Un récent arrêt de la 2ème chambre civile de la Cour de cassation, outre de montrer que la persévérance peut être fructueuse, est d’intérêt pour l’appréhension du régime des fausses déclarations des articles L.113-8 et L.113-9 du code des assurances.
Le 21 mars 2003, une ferme d’éoliennes a transmis à son futur assureur bris de machine, lors de l’évaluation du risque, la notice d’une certaine marque d’éolienne, réputée de qualité.
Une éolienne s’est effondrée dans la nuit du 31 décembre 2003 au 1er décembre 2004.
Le 14 décembre 2005, le Tribunal de commerce de Roubaix a condamné l’assureur à garantir.
En appel, l’assureur a notamment soutenu que les pales de l’éolienne ne correspondaient pas à la notice qui lui avait été remise lors de la souscription.
Par un arrêt du 10 mai 2007, la Cour d’appel de Douai a suivi l’assureur en prononçant la nullité du contrat sur le fondement de l’article L.113-8 du code des assurances.
L’assuré s’est pourvu.
La 2ème chambre civile de la Cour de cassation a censuré par un arrêt du 2 octobre 2008 (n°07-17.443) au motif que la cour d’appel n’avait pas constaté que la fausse déclaration était intentionnelle.
Cet arrêt est d’un intérêt limité, sinon de rappeler que la fausse déclaration ne permet l’annulation du contrat que lorsque la mauvaise foi de l’assuré est établie.
L’affaire est revenue devant la Cour d’appel de Douai, qui, le 16 décembre 2010, par une motivation atypique (« la Cour ne voit pas d’intérêt à la dissimulation ; quel était le risque de tout dire : une éventuelle augmentation de prime ; alors le jeu n’en valait pas la chandelle ») a estimé qu’il n’y avait pas d’intention malicieuse de la part de l’assuré.
La nullité a donc été écartée, et le jugement confirmé en ce qu’il a condamné l’assureur à indemniser.
L’assureur s’est pourvu.
Par un arrêt du 9 février 2012 (n°11-13.245), la 2ème chambre civile a de nouveau cassé, au motif que la Cour d’appel n’aurait pas dû dire irrecevable la demande de l’assureur fondée sur l’article L.113-9 du code des assurances.
L’intérêt de cette décision, relative à la recevabilité des moyens nouveaux en cause d’appel, est purement procédural.
L’affaire a été renvoyée devant la Cour d’appel d’Amiens qui, le 19 mars 2015, a énoncé que l’assuré ne pouvait ignorer ni l’hétérogénéité de l’éolienne, ni l’influence pour l’appréciation du risque par l’assureur de la renommée du fabriquant déclaré, de sorte que l’assuré a (la motivation mérite d’être intégralement reproduite) :
« délibérément menti sur la nature précise des biens assurés en leur attribuant une provenance inexacte et sur la fiabilité pouvant légitimement en être attendue au regard de leur origine alléguée et ce dans le dessein de tromper la compagnie d’assurance sur l’appréciation du risque devant être assuré et obtenir de celle-ci de meilleures conditions d’assurance, notamment tarifaires (…) ; qu’il s’ensuit, peu important l’importance de l’avantage réellement obtenu, que le contrat d’assurance doit être déclaré nul en application des dispositions de l’article L.113-8 al.1 du code des assurances ».
L’assuré s’est pourvu.
Son premier moyen était que l’assureur ne peut se prévaloir de la fausse déclaration que si elle résulte d’une question posée à l’assuré.
Il faisait valoir qu’il avait transmis spontanément à l’assureur la notice litigieuse pour lui présenter le matériel à assurer, sans que l’assureur ne lui ait posé une question précise.
Cet argument était conforme à la jurisprudence de la Cour de cassation (Ch. Mixte 7 février 2014, n°12-58.107).
La 2ème chambre civile a pourtant rejeté le pourvoi par un arrêt du 17 janvier 2019 (n°15-18.514) au motif que « le juge peut prendre en compte, pour apprécier l’existence d’une fausse déclaration intentionnelle prévue à l’article L. 113-8 du même code, les déclarations faites par l’assuré à sa seule initiative lors de la conclusion du contrat ».
Bien qu’elle n’ait pas été publiée au bulletin, cette décision pourrait marquer un assouplissement de la jurisprudence.
Une telle évolution a pu être déjà initiée par la 2ème chambre par un arrêt ayant retenu que l’absence de questionnaire n’empêche pas l’application de l’article L.113-8 lorsque les déclarations de l’assuré sont tellement précises qu’elles ne peuvent que résulter de questions de l’assureur (2ème civ. 11 juin 2015, n°14-17.971).
Si cette tendance se confirme, le juge pourra se permettre des analyses au cas par cas, selon la nature de l’assurance et le degré d’information de l’assuré, ce qui serait tout simplement plus équitable, tant pour l’assuré que pour l’assureur.